jeudi 2 avril 2015

Quelques notes sur l'exposition Bonnard


Quelques notes sur l’exposition Bonnard.
Dire d’abord l’éblouissement de cette douce explosion de couleurs, cette danse de la lumière, cette sensualité qui émane de partout, sans vulgarité, avec une singulière forme de pudeur, qui n’appartient qu’à lui. Parfois, c’est plus torride, voyez L’Indolente :


Marthe, allongée sur le dos et sur le lit, nue, cachant ses seins avec sa main et son bras gauche, mais son sexe est offert, les jambes écartées dont l’une repliée, le gros doigt de pied recourbé sur la cuisse droite. Se gratte-t-elle ? Est-elle crispée ? Surprise par le regard de son amant ? Ou, au contraire, impatiente ? L’indolente me semble réunir quelques paradoxes ou ambigüités…
Et, comme souvent chez Bonnard, une part de mystère : quel est donc cet intrigant petit nuage qui ne voile rien, au-dessus de sa cheville gauche ? Serait-ce un rappel de la pipe posée sur la table de chevet, là-bas, au fond ? Et ces formes étranges sur le lit, cartographies du désir, continents troubles.
Ce tableau de 1899 est le pendant du magnifique La Sieste (1900), malheureusement absent de cette expo.


Dans un autre ordre d’idées, L’Omnibus éclabousse la salle de sa lumière dorée. L’élégante parisienne, penchée sur quelque question qui la taraude, est, pour cet instant au moins — et pour nous pour l’éternité — le centre du monde. Mieux que Louis XIV, elle rayonne vraiment, cette roue ne tourne que pour elle, par elle. On entend le fracas de cet omnibus qui fonce vers Alésia ; cette passante sort tout droit des Fleurs du mal et Bonnard est volontiers cet extravagant voyeur, pas si crispé que celui du poème.


Forte émotion, aussi, devant L'Amandier en fleur, son tout dernier tableau. C'est en effet une toile sur laquelle il a travaillé de longs mois. Sur son lit de mort, il fait venir son neveu, lui demande de lui montrer la toile. Quelque chose, selon lui, ne fonctionne pas dans l'harmonie des couleurs. Il prie alors son neveu d'ajouter du jaune sur la zone alors verte, en bas à gauche du tableau. Y touche-t-il lui-même ? C'est possible. Du jaune, la couleur qu'il préfère au fur et à mesure qu'il mûrit. « On ne met jamais assez de jaune », confie-t-il à un ami. Le jaune et ses nuances, des jaunes de Naples, à  l'or en passant par les cadmiums. Ses paysages et ses intérieurs (mais Bonnard a l'art singulier, qu'il ne partage à ce point qu'avec Matisse, de mettre sur le même plan l'intérieur et l'extérieur dans un même tableau) irradient de cette couleur solaire. A preuve, le magnifique Atelier au mimosa, qu'a si bien analysé Alain Jaubert dans son Palette éponyme :

Il s'agit là aussi de l'un de ses tout derniers tableaux. Remarquer en bas à gauche la figure qui apparaît... Marthe, sans doute, elle qui a justement disparu peu avant, en 1942. Je reviendrai sur ces apparitions dans les tableaux. Et très vite aussi sur les jeux de miroir, les fabuleux nus et les baignoires... En attendant, filez à l'expo d'Orsay et venez le mercredi 8 avril à la librairie !

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