Pour ceux qui ont eu le privilège d'assister à la soirée du 25 septembre dernier à L'Arbre à Lettres et rencontrer Pascal Quignard, qui présentait son dernier ouvrage, Mourir de penser, voici un petit film-souvenir, réalisé par notre ami Jérôme Noël. Et pour les autres, faute de pouvoir inverser la flèche du temps, une petite plongée dans ce que fut cette soirée.
Carnet d'un flâneur amoureux de Paris et de ses lieux magiques, prestigieux ou poétiques. Amoureux de ses écrivains, ses artistes, ses musiciens... Fasciné par la polarité Nord-Sud (l'ancien nom de la ligne 12 du métro), joignant les deux Monts, le Montmartre et le Montparnasse, sommets de la création artistique dès la fin du XIXe siècle. On croisera Soutine, Modigliani, Picasso, Braque, Apollinaire, Max Jacob, Artaud, Man Ray, Kiki, Lee Miller, Giacometti, ainsi que quelques contemporains...
vendredi 3 octobre 2014
jeudi 10 juillet 2014
Yoyo Maeght à L'Arbre à Lettres
Evénement de taille ce soir à L'Arbre à Lettres : Yoyo Maeght revient dans son ancien quartier (le nôtre) pour signer son livre à L'Arbre à Lettres. Nous sommes ravis de retrouver notre ancienne voisine et de fêter ensemble la sortie de ce beau et passionnant ouvrage, dont l'histoire s'inscrit aussi dans le quartier Daguerre : la fameuse imprimerie Arte est toujours là, en fond de cour, tout près...
Le livre est passionnant. Nous découvrons cette famille hors-norme, originale, un peu folle... et follement libre. Trois générations de goût, de flair, d'aventures...
Aimé Maeght est d'abord un ouvrier lithographe qui travaille avec Bonnard et Matisse. Il crée sa galerie en 1945 et exposera les principaux artistes du XXe siècle : Braque, Calder, Miró, Chagall, Giacometti, Chillida, Léger, Tàpies... qui deviennent des amis, au même titre que Prévert, Char, Malraux, Sartre ou Genet...
Sur la photo de couverture, on voit la petite Yoyo en compagnie de Prévert et de Picasso, au Musée Picasso d'Antibes en 1963.
Yoyo en compagnie de Miró |
Venez donc ce soir, malgré la pluie : Bonnard et Miró vous illumineront...
Je pique ce Miró à Yoyo, sur sa page Facebook |
Vitrine à L'Arbre à Lettres, réalisation Florence Maeght
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jeudi 26 juin 2014
Jim Fergus sur Chrysis, le film
Vous avez peut-être déjà lu mon petit rapport sur la rencontre à L'Arbre à Lettres, le 12 juin dernier, de Jim Fergus avec ses lecteurs à propos de Chrysis, cette artiste de Montparnasse, affranchie et talentueuse. Jérôme Noël était présent, fidèle, et a filmé pour vous quelques moments de cette très belle soirée.
Pour voir le film de Jérôme Noël sur Jim Fergus à L'Arbre à Lettres
https://www.youtube.com/watch?v=LE0ImymMuK0
samedi 14 juin 2014
Une soirée avec Jim Fergus... et Chrysis
Jeudi 12 juin à 19h.
Nous avons eu l'honneur de recevoir à L'Arbre à Lettres Boulard l'écrivain américain Jim Fergus. L'auteur a connu, en France comme aux Etats-Unis, un grand succès avec Mille femmes blanches. Quelques autres livres ont suivi, dont La fille sauvage, Espaces sauvages, ou encore Marie Blanche. (Je donne les références en Pocket, mais les formats brochés sont au Cherche-Midi.) L'année dernière, il faisait paraître en France, avant même les Etats-Unis, un beau roman sur une jeune femme et artiste de Montparnasse. Aujourd'hui, elle est un peu oubliée, mais ce livre fait beaucoup pour réhabiliter sa mémoire et son art.
Gabrielle Jungbluth est née le 23 janvier 1907 à Boulogne-sur-Mer. Son père est militaire. Gradé. Il fait la guerre de 14 et lui en raconte parfois quelques souvenirs, dont celui de ce cow-boy messager croisé une fois, vers la fin du conflit. Par la suite, le dimanche, il va peindre sur le motif des paysages tranquilles. Gabrielle l'accompagne et prend goût à la peinture. Elle veut peindre, aller à Paris et s'affranchir.
Son nom d'artiste, Chrysis, elle le choisit dans un roman de Pierre Louÿs alors très à la mode, bien que conféré le plus souvent au second rayon, Aphrodite. C'est dans la bibliothèque de son père, derrière les livres présentables, qu'elle trouve ce livre et, à l'intérieur, le nom de ce personnage. Ce faisant, elle sait que son père, comprenant le secret, ne pourra s'offusquer de son nom d'artiste, sauf à révéler à sa femme qu'il connaît bien ce livre...
Ses parents acceptent qu'elle parte à Paris, mais en pension. Rapidement, elle prend goût à l'ambiance de Montparnasse, au goût de liberté et d'invention qui flotte dans cet air cosmopolite. Puis eux-mêmes décident de passer une partie de l'année à Paris, et louent un appartement au 14, boulevard Edgar Quinet et, en plus, un atelier détaché de l'appartement, à la même adresse. Chrysis s'inscrit aux Beaux-Arts dans l'atelier d'Humbert, le seul qui donne des cours à des filles et des jeunes femmes dans cette noble institution. Les rapports entre la nouvelle venue et le vieux maître ne sont pas sans conflits, mais teintés de respects, puis d'admiration. Le maître en a vu d'autres, Braque notamment.
Petit à petit, apprenant son artisanat, puis son art, Chrysis s'émancipe des règles. Elle rêve alors d'un art convulsif qui dirait la vérité des corps. Notamment dans l'acte sexuel. Depuis qu'elle a goûté à la volupté charnelle, grâce à un ami poète initiateur, Chrysis comprend que se joue là une partie fondamentale de nos vies. Elle veut peindre sur ce motif et, avec le poète, fréquente une maison close de la rue Blondel où elle peut observer le commerce sexuel et son théâtre. Là, un soir, elle rencontre Pascin. La rencontre, si elle est un peu tendue au départ par l'insolence de la jeune femme, vire vite à la complicité. Il est vrai que le style de dessin de la véritable Chrysis Jungbluth n'est pas toujours sans rappeler le Prince des trois Monts (Parnasse, Martre et Vénus), tant dans les thèmes que dans le dessin.
Dans ce bordel, elle rencontre ce cow-boy souvent aperçu à Montparnasse et dont lui avait parlé son père (elle fera le lien à ce moment). Déjà, il l'intriguait ; ils tombent amoureux. Je ne vous raconte pas la suite, ça vaut la peine d'être lu : tout Montparnasse défile, personnages comme lieux. Juste à vous dire que le tableau central est L'Orgie, reproduit en fin de volume. Tous les personnages qui y figurent prennent une place plus ou moins active, plus ou moins importante dans le roman. Vous comprendrez en le lisant.
Mais pourquoi tout cela ? Il faut savoir que lors d'un voyage en France, à Nice plus précisément, Jim Fergus et sa femme, alors déjà malade, ont vu ce tableau. Sa femme a immédiatement été séduite par la toile. De retour aux Etats-Unis, Jim Fergus, devant l'intérêt continu de sa femme pour ce tableau, décide de le lui offrir. Celle-ci, ravie, décide qu'il ira à sa fille après sa mort. Pourquoi ? Pour initier sa fille aux partouzes ? Pas du tout. Sa femme a toujours eu honte de son corps et a vu dans ce tableau des femme qui s'exhibaient sans honte, en toute franchise et générosité, prête au plaisir : à donner comme à recevoir. Ce qui énerve et énervera toujours la pudibonderie de tout poil : mieux vaut des morts, de la violence, du sang, du massacre, que des gens qui jouissent loyalement de leur corps et de celui d'autres consentant.
Ce qui fut fait après son décès. Jim Fergus a aussi raconté d'autres anecdotes, liées au mémoire soutenue par la fille de sa femme, qui valent leur pesant de toile...
Pour en savoir plus sur la vie de cette femme étonnante, affranchie, libre, courageuse, talentueuse, jetez-vous sur ce livre.
Je remercie toutes celle et tous ceux qui sont venus à cette soirée ; eux savent qu'à côté du marché, en marge du murmure assourdissant et ankylosant de l'actualisme éphémère, ont lieu des soirées qui, sans être de l'ordre de l'orgie de Chrysis, ont le mérite de faire passer le frémissement des corps libres, de transmettre le verbe qui transforme, la peinture qui n'est pas une image, le vrai goût du passage du Temps.
Chacun ou chacune aura pu apprécier la disponibilité, la chaleur et la sympathie de Jim Fergus. A bientôt, donc, Jim, pour de nouvelles rencontres.
Nous avons eu l'honneur de recevoir à L'Arbre à Lettres Boulard l'écrivain américain Jim Fergus. L'auteur a connu, en France comme aux Etats-Unis, un grand succès avec Mille femmes blanches. Quelques autres livres ont suivi, dont La fille sauvage, Espaces sauvages, ou encore Marie Blanche. (Je donne les références en Pocket, mais les formats brochés sont au Cherche-Midi.) L'année dernière, il faisait paraître en France, avant même les Etats-Unis, un beau roman sur une jeune femme et artiste de Montparnasse. Aujourd'hui, elle est un peu oubliée, mais ce livre fait beaucoup pour réhabiliter sa mémoire et son art.
La couverture du livre avec une photo de Gabrielle, adolescente, sur la plage. |
Gabrielle Jungbluth est née le 23 janvier 1907 à Boulogne-sur-Mer. Son père est militaire. Gradé. Il fait la guerre de 14 et lui en raconte parfois quelques souvenirs, dont celui de ce cow-boy messager croisé une fois, vers la fin du conflit. Par la suite, le dimanche, il va peindre sur le motif des paysages tranquilles. Gabrielle l'accompagne et prend goût à la peinture. Elle veut peindre, aller à Paris et s'affranchir.
Son nom d'artiste, Chrysis, elle le choisit dans un roman de Pierre Louÿs alors très à la mode, bien que conféré le plus souvent au second rayon, Aphrodite. C'est dans la bibliothèque de son père, derrière les livres présentables, qu'elle trouve ce livre et, à l'intérieur, le nom de ce personnage. Ce faisant, elle sait que son père, comprenant le secret, ne pourra s'offusquer de son nom d'artiste, sauf à révéler à sa femme qu'il connaît bien ce livre...
La façade extérieure du 14, Boulevard Edgar Quinet |
Ses parents acceptent qu'elle parte à Paris, mais en pension. Rapidement, elle prend goût à l'ambiance de Montparnasse, au goût de liberté et d'invention qui flotte dans cet air cosmopolite. Puis eux-mêmes décident de passer une partie de l'année à Paris, et louent un appartement au 14, boulevard Edgar Quinet et, en plus, un atelier détaché de l'appartement, à la même adresse. Chrysis s'inscrit aux Beaux-Arts dans l'atelier d'Humbert, le seul qui donne des cours à des filles et des jeunes femmes dans cette noble institution. Les rapports entre la nouvelle venue et le vieux maître ne sont pas sans conflits, mais teintés de respects, puis d'admiration. Le maître en a vu d'autres, Braque notamment.
L'appartement de la famille Jungbluth dans la cour du 14 |
Petit à petit, apprenant son artisanat, puis son art, Chrysis s'émancipe des règles. Elle rêve alors d'un art convulsif qui dirait la vérité des corps. Notamment dans l'acte sexuel. Depuis qu'elle a goûté à la volupté charnelle, grâce à un ami poète initiateur, Chrysis comprend que se joue là une partie fondamentale de nos vies. Elle veut peindre sur ce motif et, avec le poète, fréquente une maison close de la rue Blondel où elle peut observer le commerce sexuel et son théâtre. Là, un soir, elle rencontre Pascin. La rencontre, si elle est un peu tendue au départ par l'insolence de la jeune femme, vire vite à la complicité. Il est vrai que le style de dessin de la véritable Chrysis Jungbluth n'est pas toujours sans rappeler le Prince des trois Monts (Parnasse, Martre et Vénus), tant dans les thèmes que dans le dessin.
L'atelier probable de Chrysis, avec Jim Fergus comme hôte, dans l'encadreur de la porte |
Dans ce bordel, elle rencontre ce cow-boy souvent aperçu à Montparnasse et dont lui avait parlé son père (elle fera le lien à ce moment). Déjà, il l'intriguait ; ils tombent amoureux. Je ne vous raconte pas la suite, ça vaut la peine d'être lu : tout Montparnasse défile, personnages comme lieux. Juste à vous dire que le tableau central est L'Orgie, reproduit en fin de volume. Tous les personnages qui y figurent prennent une place plus ou moins active, plus ou moins importante dans le roman. Vous comprendrez en le lisant.
Orgie, de Chrysis (1925) |
Mais pourquoi tout cela ? Il faut savoir que lors d'un voyage en France, à Nice plus précisément, Jim Fergus et sa femme, alors déjà malade, ont vu ce tableau. Sa femme a immédiatement été séduite par la toile. De retour aux Etats-Unis, Jim Fergus, devant l'intérêt continu de sa femme pour ce tableau, décide de le lui offrir. Celle-ci, ravie, décide qu'il ira à sa fille après sa mort. Pourquoi ? Pour initier sa fille aux partouzes ? Pas du tout. Sa femme a toujours eu honte de son corps et a vu dans ce tableau des femme qui s'exhibaient sans honte, en toute franchise et générosité, prête au plaisir : à donner comme à recevoir. Ce qui énerve et énervera toujours la pudibonderie de tout poil : mieux vaut des morts, de la violence, du sang, du massacre, que des gens qui jouissent loyalement de leur corps et de celui d'autres consentant.
Jim Fergus devant L'Orgie |
Ce qui fut fait après son décès. Jim Fergus a aussi raconté d'autres anecdotes, liées au mémoire soutenue par la fille de sa femme, qui valent leur pesant de toile...
Un atelier du 14 et une sculpture qui serait de Rosso Rossi, qui a travaillé ici |
Pour en savoir plus sur la vie de cette femme étonnante, affranchie, libre, courageuse, talentueuse, jetez-vous sur ce livre.
Jim Fergus signant |
Je remercie toutes celle et tous ceux qui sont venus à cette soirée ; eux savent qu'à côté du marché, en marge du murmure assourdissant et ankylosant de l'actualisme éphémère, ont lieu des soirées qui, sans être de l'ordre de l'orgie de Chrysis, ont le mérite de faire passer le frémissement des corps libres, de transmettre le verbe qui transforme, la peinture qui n'est pas une image, le vrai goût du passage du Temps.
Public (féminin) captif durant la rencontre |
mardi 3 juin 2014
Derain, de Bonaparte à Assas avec Léopold Lévy
Continuons avec Derain. Il quitte
Montmartre en 1910 pour s’installer rue Bonaparte, au n° 13 (où habitait alors
Dunoyer de Segonzac), façon comme une autre de rompre avec l’avant-garde. Ou du
moins de prendre ses distances, physiques et esthétiques. Il s’installe donc
dans cette maison, juste en face de l’École des Beaux-Arts où il n’est jamais
allé et n’a jamais enseigné, malgré l’insistance de l’institution et sa
proximité physique : traverser la rue ne semblait un petit pas, mais
s’avérait un grand saut pour son idéologie.
Le 13 rue Bonaparte, en face des Beaux-Arts |
Le 13 sous un autre angle. Où logeait Derain ? Peut-être tout en haut? |
La pendaison de crémaillère fut
un grand moment. Fernande Olivier se souvient : « On mangeait
beaucoup et bien chez Derain. Nous étions là avec Picasso, Apollinaire, Marie
Laurencin, peut-être Max Jacob, mais je ne me souviens pas très bien de
lui. » On sait que Fernande Olivier appréciait peu Marie Laurencin ;
doit-on la croire lorsqu’elle dit que ce soir-là elle était « grise »
(comme au Bateau-Lavoir à la fête en l’honneur du douanier Rousseau), et ne
répétait « qu’un seul mot, que Cambronne n’eût pas désavoué » ?
Sinon, elle chantait. Il sortirent dans la « silencieuse rue
Bonaparte » et y firent « un beau tapage ». Ils traversent alors
la Seine. « Je me souviens que Derain, pour démontrer sa force, tordit la
rampe du petit escalier du pont des Arts. Nous échouâmes vers trois heures du
matin du côté des Halles. Là, tout commença à aller mal. Derain et sa femme se
disputèrent. On les laissa seuls et le lendemain ils nous dirent que, conduits
par des agents, ils avaient échoué au poste de police de leur quartier :
« Outrage aux agents ». » Soirée suivie d’une contravention.
Fernande termine par ce joli mot : « Tout cela n’interrompait que peu
le travail, qui était plus que jamais la raison de vivre. » Fernande
Olivier, Picasso et ses amis (malheureusement indisponible).
J'aime bien ces garages du 13, au clame, atmosphère blanche et verte, très parisienne. |
Sautons un peu dans le temps.
Derain s’est lié avec le peintre Léopold Lévy (1882-1966). Celui-ci, né à Paris
de père Alsacien qui a choisi la France en 1870, a eu la chance d’avoir
Mallarmé comme professeur d’anglais en 1895 au Collège Rollin. Il a vécu un peu
à Caen et, à la mort de son père en 1896, il suit sa mère à Lille, pour revenir
à Paris l’année suivante à Paris. Il suit différents cours d’art décoratif,
puis l’enseignement d’Eugène Grasset, à l’École Guérin rue Vavin. Puis il
décide de se consacrer à la peinture. Il est refusé aux Beaux-Arts ? Pas
grave, il s’inscrit comme élève libre, ce qui lui donne accès à quelques cours
ainsi qu’à la bibliothèque. Il devient l’ami de Linaret, grand espoir de la peinture en cette
fin XIXe (selon Matisse et… Derain !) Avec son ami, il fréquente à partir
de 1901 un petit groupe d’artistes et d’écrivains qui se retrouvent au
Luxembourg : Matisse, Marquet, Derain, André Salmon, Léon-Paul Fargue.
Le 11 janvier 1908, il se marie
avec Marguerite Diebold.
Mobilisé en 14, il part au front.
Pour des raisons de santé, on l’envoie à Mâcon où il travaille au cabinet du
préfet.
En 1916, il peint Femme assise, un tableau qui fera
sensation auprès de Derain, notamment, qui évoquera la singularité de Lévy,
évitant l’impressionnisme autant que le cubisme régnant. Il attirera aussi les
éloges de Tériade, une dizaine d’années plus tard. Après la guerre, en plus de
son ami Derain, il fréquente Friesz et Braque (tiens, trois anciens
« fauves », mais aussi Delaunay, Marcoussis, Gromaire ou Segonzac.
Comme tant d’autres, mais un peu
plus tardivement peut-être, il découvre la lumière du Midi et celle de l’Italie
où il voyage en 1919. Il séjourne à Cassis, La Ciotat, Aix ou Marseille, où
naît sa fille Léopolde Lise (de sa maîtresse Amélie Rosine Maquard, qu’il
épousera en 1930, après son divorce d’avec Marguerite Diebold). Il aura d’elle
un fils, Jean Pierre Camille, en 1933.
Entretemps, André Salmon,
toujours sur le coup, écrira une monographie sur le peintre.
En 1936, on lui propose de
diriger la section de peinture de l’Académie des Beaux-Arts d’Istanbul. Entre
autres amis, Derain lui conseille d’accepter, ce qu’il fait. Avant son départ,
il décoré de la Légion d’Honneur. Puis il part, sous-louant son atelier à
Derain, à qui il le prêtait souvent. À distance, il envoie deux panneaux à
l’Exposition Universelle de 1937, où seront exposés, entre autres, Guernica de Picasso, La Fée électricité de Dufy (que je viens
d’aller admirer au Musée d’Arts Modernes de la Ville de Paris : c’est
éblouissant de couleurs, de fluorescences, et non dénué d’humour), ou la
sculpture de Zadkine que l’on peut voir sur le quai d’Orsay.
La date de son installation rue
d’Assas est incertaine. Ce qui est sûr, c’est qu’il y est déjà dans les années
trente lorsqu’il le prêtait régulièrement à Derain et lorsqu’il lui a sous-loué
pendant son déplacement en Turquie. Derain, dès 1935, s’était installé à
Chambourcy, mais ce lieu lui servait maintenant de pied-à-terre et d’atelier
parisien. En 1940, Derain et sa famille fuient l’armée allemande, d’abord en
Normandie, puis en Charente et en Ariège, rejoignant Braque et sa femme
Marcelle. Pendant ce temps, les Allemands pillent sa maison de Chambourcy.
Le 112, rue d'Assas. En haut, l'atelier. |
C’est dans cet atelier qu’il
travaillera durant une bonne partie de la guerre. Guerre qui ne fut pas sans
conséquences pour lui, avec ce funeste voyage en Allemagne en 1941, sur lequel
j’essaierai de revenir un de ces jours.
L'atelier, grande verrière plein nord : même lorsqu'il fait gris comme ce jour-ci, la lumière baigne... |
dimanche 25 mai 2014
Les Fusains 2 : Zola et Miró
Les flâneries ont ceci de bon qu’elles permettent l’esprit
d’escalier, voire même la logique de l’après-coup. Je parlais de la Cité de
Fusains, et voilà que je tombe sur deux choses différentes. La première
concerne Zola. En citant l’autre jour la phrase de Derain sur Picasso, à savoir
qu’on le retrouverait pendu derrière Les Demoiselles d'Avignon, j’ai pensé, comme
tout le monde j’imagine, à L’Œuvre de Zola. Bref rappel : il s’agit
de ce roman dans lequel le peintre Claude Lantier, incompris de ses
contemporains, finira par se pendre devant une gigantesque toile, qui devait
être son chef-d’œuvre.
Notes préparatoires pour L’Œuvre de Zola |
Déjà, je n’aime pas trop Zola (je préfère nettement Balzac). Non pas pour les raisons
sociales, qui me sont sympathiques, mais pour des raisons stylistiques, entre
autres, et une certaine lourdeur. A la lecture de L’Œuvre, j’avais entre autre été dégoûté par sa
façon de mettre symboliquement à mort, à distance, son ami d’enfance Cézanne,
par le biais de Claude Lantier. Bien sûr, on sait que Lantier n’est pas
Cézanne, ni Manet, ni Monet, etc. Lantier est une condensation de diverses
figures, et tant mieux Mais plus qu’un règlement ce compte avec Cézanne (qui a
accusé réception de l’ouvrage avec beaucoup d’élégance), c’est la mise en œuvre
(justement) par Zola de sa propre incapacité à appréhender la nouveauté
véritable ; de démêler ce qui, d’une entreprise radicale, est nihiliste ou
non, est ou n’est pas un échec. De sa peur devant ce surgissement du nouveau. Phénomène
plutôt fréquent, il suffit de regarder un peu l’histoire de l’art et de la
littérature.
Ateliers de la Cité des Fusains |
Il est vrai qu’aujourd’hui, la peur de se
tromper quant au surgissement d’un nouveau Cézanne, Van Gogh ou Modigliani
pousse à accepter plus ou moins n’importe quoi. Pas de tri. Tri qui n’est pas
simple, bien sûr : il faut savoir voir, savoir sentir. « Les
sensations étant le fond de mon affaire, je crois être impénétrable »,
disait Cézanne. Impénétré par Zola, en tout cas : il est bien difficile d’entrer
par effraction dans un système nerveux, dans une finesse sensorielle, dans ce
qui fait la singularité, l’eccéité d’un être. Sa complexion et son principe de
délicatesse, aurait dit Sade.
Et pourtant c’est
possible. Voyez le magnifique roman d’Enrique Vila-Matas, au titre roussélien
d’Impressions de Kassel.
Invité à la
demande de la commissaire de la documenta 13 (2012), le narrateur doit écrire
en public dans un restaurant chinois de la banlieue de Kassel. Perspective peu
réjouissante. Heureusement, si l’on veut (presque) personne n’y vient :
aussi ce promeneur solitaire peut-il errer à loisir dans la ville, s’y perdre
(à deux pas du lieu où les frères Grimm ont écrit… Le Petit Poucet !),
tout comme il accepte de se perdre dans l’art contemporain. Pour l’éprouver, le
sentir. Sans préjugé, puis en faisant le tri. Il en est bouleversé.
Le regard qui traverse l'atelier... Avec la grenouille-vigie, on a envie d'y rester : rêve, travail, musique |
Zola, donc. Ou plutôt Lantier. Nous avons vu la dernière
fois que, sur le site de la Cité des Fusains, se trouvait auparavant un lavoir
et son séchoir. Ce devrait donc être ici que Claude Lantier s’installe,
quittant l’atelier de la rue de Douai pour en investir un autre, plus vaste
« C’était un ancien séchoir de teinturier, une baraque de 15 mètres de
long sur 10 de large, dont les planches et le plâtre laissaient passer tous les
vents du ciel. On lui louait ça 300 francs. »
Ici, donc, que Lantier travaille à sa grande peinture et s’y suicide. Ici qu’habitait et travaillait Derain lorsqu’il a eu cette fameuse phrase pour Picasso… Logique des lieux ?
Avant la Cité des Fusains |
Ici, donc, que Lantier travaille à sa grande peinture et s’y suicide. Ici qu’habitait et travaillait Derain lorsqu’il a eu cette fameuse phrase pour Picasso… Logique des lieux ?
Au Japon? Non, aux Fusains |
Un saut dans le temps: je tombe sur un article de Miró qui concerne les Fusains. En 1927, il quitte Montparnasse. Jusqu'en 1926, il vivait dans l’atelier de la rue
Blomet en voisin de Masson, recevant la visite de nombreux
surréalistes dissidents (Artaud, Desnos, Limbour, Leiris), mais aussi les
Stein et Hemingway (qui lui achète La
Ferme). (Pub : vous pouvez tout cela développé dans mon Montparnasse, les lieux de légende, chez
Parigramme). Dans un article publié dans la revue XXe siècle en 1938, « Je rêve d’un grand atelier », il
écrit : « Je louai un atelier au 22 de la rue Tourlaque, villa des
Fusains, où ont habité Toulouse-Lautrec et André Derain et où Pierre Bonnard a
encore son atelier. À cette époque, il y avait là Paul Eluard, Max Ernst, un
marchand belge de la rue de Seine, Goemans, René Magritte, Arp. Je mis sur la
porte une pancarte que j’avais trouvée dans une boutique : TRAIN PASSANT
SANS ARRET. Ça marchait mieux, mais c’était encore assez dur. Une fois, avec
Arp, nous avons déjeuné de radis au beurre. Dès que ce fut possible, je pris un
plus grand atelier dans la même villa, au rez-de-chaussée, mais je ne le gardai
pas longtemps. »
Buffle, yack, bison ? |
La Cité recèle de petites cachettes. Parfait pour le café, ou l'apéro |
lundi 19 mai 2014
Derain et la Cité des Fusains
Curieusement,
sur le site de la Cité des Fusains, entre l’ancien passage Tourlaque
(aujourd’hui rue Steinlein) et la rue Tourlaque, se trouvaient auparavant des
baraques en bois qui servaient à faire sécher le linge d’un… lavoir ! Rien
à voir pourtant avec le fameux Bateau-Lavoir, autre cité d’artiste dont je
parlerais plus tard, (et qui n’avait de lavoir que le surnom). Sur cet
emplacement, certains affirment que Renoir et Lautrec ont travaillé.
À
l’instar de la plupart des cités d’artistes à Paris (La Ruche, la Cité
Falguière ou le phalanstère du 9 rue Campagne-Première, par exemple), celle des
Fusains a été construite avec des matériaux d’une Exposition Universelle, en
l’occurrence celle de 1889. Les travaux, sous la direction de l’architecte
Robert Bourdeau, commencent dix ans plus tard et une première partie est
terminée l’année suivante. À l’époque, on entrait non du côté passage (rue
Steinlein), dont l’entrée est aujourd’hui plus discrète.
Sur la gauche serait l'ancien atelier de Derain |
Si j’en crois mes
sources, l’atelier d’André Derain se trouvait en entrant à droite. Il s’y
installe à l’automne 1906, en pleine période fauve, après un séjour à Londres.
Il a déjà rencontré Braque, Picasso et André Salmon. Sa présence sur la Butte
lui permet de fréquenter plus facilement ses nouveaux amis du Bateau-Lavoir.
Son travail impressionne et, s’il a déjà l’admiration de Matisse et de son ami
Vlaminck, il compte maintenant aussi celle d’Apollinaire et des peintres du
Bateau-Lavoir. Pierre Cabanne pense, et il a sans doute raison, que l’on a sous-estimé
l’importance, qu’a pu avoir Derain pour Picasso. Voire même l’influence.
Picasso se nourrissait de tout, savait tout saisir et tout transformer. Une
amitié naît entre les deux hommes et, si l’on voit parfois le petit Picasso
entouré des colosses que sont Braque, Vlaminck et Derain (inspirant à Gertrude
Stein l’image de Napoléon entouré de grenadiers), les deux derniers ne feront
pas pour autant partie intégrante de « la bande à Picasso ».
Les Fusains, un havre de paix |
Derain
fut peut-être l’un des initiateurs, avec Matisse, de Picasso à « l’art
nègre », visitant avec lui le Musée du Trocadéro, expérience bouleversante
pour l’artiste espagnol, déjà travaillé par l’art primitif ibérique. C’est
d’ailleurs plutôt l’art océanien qu’africain qu’affectionnait d’abord le
Malaguène. Derain, lui a acheté un masque africain (fang) à son ami Vlaminck et
se mit à faire collection.
Le masque Fang de Derain |
Notons que cette histoire d’art nègre (qui à l’époque désigne aussi les arts océaniens) est complexe dans ses origines réelles chez les peintres parisiens (on continue à se crêper le chignon pour savoir qui a découvert l’art nègre le premier, une légende tenace attribuant à Vlaminck d’avoir découvert deux statuettes africaines dans un bistro d’Argenteuil et de les avoir obtenues en échange d’une tournée générale…)
Un atelier, entre perchoir et observatoire |
Derain
fréquente donc Picasso (ce que son ami Matisse voit d’un mauvais œil), mais en
maintenant toutefois ses distances. Devant Les
Demoiselles d’Avignon, il aurait confié à Kahnweiler, leur galeriste
commun, « qu’on trouverait un jour Picasso pendu derrière son grand
tableau tellement cette entreprise paraissait désespérée ». Il trace sa
route à lui, avec ses angoisses, ses incertitudes… ses éblouissements :
« Le Fauvisme a été pour nous l’épreuve du feu… Les couleurs devenaient
des cartouches de dynamite. Elles devaient décharger de la lumière. »
Derain, Le Phare de Collioure (1905) |
Il
travailla (avec toutefois de nombreux voyages dans le Midi) dans cet atelier
jusqu’à la fin août 1910. Pour en savoir davantage sur Derain, je vous
conseille la lecture du André Derain
de Pierre Cabanne (Folio-essais, malheureusement épuisé) et du magnifique
ouvrage de Cécile Debray, Le Fauvisme,
chez Citadelles & Mazenod (qui lui, vient de paraître) : une somme, LA
référence sur la question, fourmillant d’informations et d’analyses (avec,
comme toujours chez cet éditeur, une excellente qualité de reproduction :
un véritable enchantement pour les yeux et la pensée !)
L’actuelle
entré principale s’ouvre au 22, rue Tourlaque. Elle date de 1923, marquant la
fin des travaux de la deuxième partie de la Cité. Vous pouvez en apprécier la
jolie façade et apercevoir, de loin, des bouts de verrière, des fragments
d’ateliers…
Eh, oui, c’est privé. C’est dans cette deuxième partie que
s’installèrent les surréalistes. Jan Arp et Sophie Tauber y furent de 1922 à
1926, Miró
en 1927 (deux ateliers successifs), Max Ernst de 1925 à 1935 environ. Masson y
a travaillé, sans que l’on sache s’il y a vraiment vécu. Tant d’autres encore…
dont certains qui passaient voir les amis, bien sûr, ou qui venaient
participier à l’éphémère École de
Montmartre, crée en 1929 par l’artiste Georges Joubin, arrivé dans la Cité
en 1912 pour y vivre jusqu’à la fin de ses jours, en 1983. Y venaient Leprin,
Pascin, Asselin ainsi que Bonnard qui venaient en voisin puisqu’installé aux
Fusains depuis 1913. Il conserva son atelier jusqu’à sa mort (1947), même s’il
y était moins souvent depuis son installation au Cannet.
mardi 13 mai 2014
Arles, Fondation Van Gogh
De passage à Arles chez nos amis, qui tiennent le
restaurant Au Brin de thym, 22 rue du docteur Fanton, où nous avons dégusté un très bon carignan blanc, nous nous sommes régalés avec une côte de taureau.
et un Autoportrait avec canotier et pipe.
Le Brin de Thym |
Terrasse pleine dès qu'il fait beau, et à l'intérieur, ça ne désemplit
pas, surtout depuis que la Fondation Van Gogh a ouvert, le 7 avril dernier,
juste un peu plus loin, au bout de la rue.
L'entrée de la Fondation Van Gogh |
Van Gogh, c’est un peu un enfant du pays. Il y est resté près de quinze
mois (du 20 février 1888 au 8 mai 1889). Il y a connu une période flamboyante,
d’intense production picturale (environ 200 toiles, une centaine de dessins ou
aquarelles et environ 200 lettres). Je ne m’attarderai pas sur ces
œuvres : vous les connaissez bien. Explosion des couleurs, formes
spiralées, les étoiles en feu grégeois, les corbeaux en accent circonflexe
inversés… Tout comme les épisodes de cohabitation problématiques avec Gauguin,
l’oreille coupée, l’internement à l’Hôtel-Dieu, etc.
La verrière vue d'en haut |
Le
lieu, fraichement construit, est réussi, aéré, plutôt lumineux. Le hall est
spacieux, le petit espace librairie très clair, baigné imprégné de lumière.
Tout en haut, la terrasse est agréable et procure un joli panorama sur la ville
et, par endroit, le fleuve.
Vue de la terrasse |
Autre vue |
L’exposition
temporaire « Couleurs du Nord, couleurs du Sud » comprend un Courbet,
un Corot
une dizaine de Van Gogh, de qualités diverses, mais il y a parmi eux La Maison jaune (que j’aime beaucoup)
Corot |
une dizaine de Van Gogh, de qualités diverses, mais il y a parmi eux La Maison jaune (que j’aime beaucoup)
Van Gogh, La Maison jaune
et un Autoportrait avec canotier et pipe.
Van Gogh, Autoportrait au canotier et à la pipe |
L'ensemble est agréable sans être bouleversant. Quelques belles toiles, dans un lieu agréable.
La
suite est une série d’hommages au Maître sans grand intérêt, comme
l’installation de Thomas Hirschhorn, qui se projette dans l’univers d’une jeune
japonaise obsédée par Van Gogh. Inintéressant en ce qui me concerne. Et la
suite à l’avenant.
Mais
le lieu veut la peine d’être vu, et gageons qu’il y aura mieux plus tard.
Et, en sortant, si vous voulez suivre le parcours fléché Van Gogh, vous le pouvez. Aller voir par exemple l'ancien emplacement de la Maison jaune, place Lamartine
Et, toute façon, vous pouvez toujours aller prendre un verre au Café de la nuit, ça vous rappellera un autre café célèbre...
Et, en sortant, si vous voulez suivre le parcours fléché Van Gogh, vous le pouvez. Aller voir par exemple l'ancien emplacement de la Maison jaune, place Lamartine
La terrasse du café marque l'emplacement de la Maison jaune, détruite. Celle que l'on voit semble avoir peu changé par rapport au tableau |
Le Café de la nuit |
jeudi 8 mai 2014
Le Bateau-Lavoir sur la planète Mars...eille
Il est vrai que ça tombe sous le sens, mais c'est tout de même une bonne idée. Le Musée Regards de Provence de Marseille propose en ce moment une exposition "Autour du Bateau-Lavoir. Des artistes à Montmartre et la Méditerranée". Nord-Sud, comme la fameuse ligne de métro (l'actuelle n°12) qui permit les échanges fréquents entre les artistes des deux Monts ; Nord-Sud comme Matisse fut, selon ses propres dires, le Pôle Nord et Picasso le Pôle Sud ; Nord-Sud comme les allées et venues non plus entres le Mont des Martyrs et celui du Parnasse, mais entre l'île de France et la Méditerranée.
Certains nordistes tels Derain, Braque, Matisse, Van Dongen ou encore Gen Paul firent le voyage vers l'éblouissement lumineux du Midi. D'autres, comme Pierre Girieud (marseillais), Leprin (né à Cannes, enfance marseillaise), Camoin (marseillais), montèrent à la capitale et sur la Butte ; d'autres encore, comme les Espagnols Picasso, Manolo, Gris ou le Grec Galanis, méditerranéens de naissance, fixés à Paris, venaient facilement se régénérer à la lumière méridionale.
Il fallait donc que j'aille voir cette exposition. Mon éditeur me donnant un coup de pouce, je fonçai d'abord vers Arles (j'y reviendrai) puis sur Marseille.
Arrivé par l'autoroute A55 menant directement au Vieux-Port, sortant du parking, sur l'esplanade, choc lumineux et esthétique en voyant cohabiter avec autant de bonheur les trois nouveaux musées (MUCEM, Regards de Provence, Villa Méditerranée) entre la structure bicolore, romano-byzantine de la Major et la pierre dorée du Fort Saint-Jean.
L'exposition n'est pas exceptionnelle en ce sens que n'y figure pas de chefs-d'œuvre. Mais elle vaut tout de même un peu d'attention parce qu'elle réunit un certain nombre d'artistes que l'on voit peu : Casamegas, par exemple, l'ami de Picasso qui s'est suicidé par amour à Montmartre, Gargallo, Galanis, Ramon Pichot (qui illustre la couverture du catalogue), un dessin du chroniqueur André Salmon, Paco Durio et quelques autres.
Une série de dessins cubistes de Braque, quelques dessins de Picasso, deux très beaux Vlaminck, des dessins de Derain, l'un de sa période fauve, à Collioure, en 1905, alors qu'il est parti peindre sur le motif avec Matisse, avant la fameuse "Cage aux fauves" du Salon des Indépendants. Les autres sont de 1930.
Un dessin et deux toiles de Van Dongen, une jolie maison (celle de Mimi Pinson) et une scène de café, colorée, vive, qui évoque quelque peu, avec haie de hauts-de-forme, un certain tableau de Manet, dans le hall de l'Opéra...
Van Dongen n'est pas encore fauve. Vlaminck l'est-il encore, lui, avec ces deux beaux tableaux que sont Bougival et Le Lavoir sous la neige ?
Le catalogue, qui ne se trouve que sur place, est plutôt bien fait, bien structuré, avec un plan de Montmartre et les adresses des principaux ateliers. Deux ou trois petits détails à revoir pour ceux qui, comme moi, aiment pinailler un peu (citations approximatives, flou dans les notes). Sans être une exposition formidable, elle est tout de même agréable et a le mérite de donner à voir quelques artistes peu connus ou peu montrés.
Si vous êtes à Marseille ou dans la région, faites un tour...
Le catalogue de l'exposition |
Certains nordistes tels Derain, Braque, Matisse, Van Dongen ou encore Gen Paul firent le voyage vers l'éblouissement lumineux du Midi. D'autres, comme Pierre Girieud (marseillais), Leprin (né à Cannes, enfance marseillaise), Camoin (marseillais), montèrent à la capitale et sur la Butte ; d'autres encore, comme les Espagnols Picasso, Manolo, Gris ou le Grec Galanis, méditerranéens de naissance, fixés à Paris, venaient facilement se régénérer à la lumière méridionale.
Il fallait donc que j'aille voir cette exposition. Mon éditeur me donnant un coup de pouce, je fonçai d'abord vers Arles (j'y reviendrai) puis sur Marseille.
Arrivé par l'autoroute A55 menant directement au Vieux-Port, sortant du parking, sur l'esplanade, choc lumineux et esthétique en voyant cohabiter avec autant de bonheur les trois nouveaux musées (MUCEM, Regards de Provence, Villa Méditerranée) entre la structure bicolore, romano-byzantine de la Major et la pierre dorée du Fort Saint-Jean.
La Major, cathédrale romano-byzantine |
Au premier plan, la Villa Méditerranée, au fond, le MUCEM |
La passerelle menant du Fort Saint-jean au MUCEM |
L'exposition n'est pas exceptionnelle en ce sens que n'y figure pas de chefs-d'œuvre. Mais elle vaut tout de même un peu d'attention parce qu'elle réunit un certain nombre d'artistes que l'on voit peu : Casamegas, par exemple, l'ami de Picasso qui s'est suicidé par amour à Montmartre, Gargallo, Galanis, Ramon Pichot (qui illustre la couverture du catalogue), un dessin du chroniqueur André Salmon, Paco Durio et quelques autres.
Une série de dessins de Braque |
Derain, Barque à Collioure, 1905 |
Van Dongen, Le Café, 1903 |
Vlaminck, Bougival (1911) |
Camoin, Personnages sur le pont de Martigues (1904) |
Gen Paul, Montmartre, la rue Norvins (1924) |
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